Il est environ 23h le 28 décembre, nous nous trouvons sur le parking du nouveau Spar de Saint-Benoît. Ces poubelles ne nous ont jamais trahi sur l’abondance de nourriture, encore tout à fait consommable, qu’elles contiennent. Triste constat du consumérisme ambiant, mais grande réjouissance face à la semaine de survie qu’elles nous offrent.
Un seul détail nous échappe : ces poubelles sont privées. Alors, au même titre que de se servir dans les rayons sans payer, se servir dans les poubelles, c’est du vol. On ne voulait pas y croire, mais les flics, eux, ont bien profité de l’occasion. Une voiture de la BAC (Brigade Anti Criminalité) nous intercepte donc sur le parking nous ayant vu, de loin, garés près du local à poubelle. « Surveiller les zones économiques, ça fait partie de notre travail ». Nous n’avons pas nos papiers sur nous, mais ce n’est plus qu’un détail. Ils nous connaissent bien ce qui suffit largement pour nous emmener au poste après recherche d’éventuelles traces d’effraction de notre soi-disant introduction dans le local. La voiture est emmenée au commissariat, le chien à la SPA et nous deux en cellule.
Pas d’effraction. Mais ils ne nous lâcheront pas comme ça. C’est un beau délit qu’ils ont intercepté ce soir-là : vol en réunion avec ruse ! Les flics ne manquent pas de nous le mentionner : « votre physique le permet… ». On se serait donc faufilés, mais quelle ruse !
Après une quinzaine d’heures de garde à vue, nous sommes présentés au tribunal. Comparution immédiate, nous la refusons. Le procureur, M. CASASSUS-BUILHE, demande notre placement en détention provisoire. Est-ce encore une ruse pour nous empêcher de réitérer cet abominable délit ? Après 20 minutes de délibéré, le juge nous laisse libre avec une convocation au tribunal le 23 janvier 2012 à 14h. Un peu plus et une poubelle nous emmenait à Vivonne !
La démesure de cette affaire nous laisse sans voix. Mais nous en tirons une bonne leçon : certaines ordures ne se trouvent pas dans les poubelles…
Si comme nous vous trouvez cette répression totalement injustifiée, venez nous soutenir le 23 janvier 2012 à 14h au palais de justice à Poitiers.
L’insécurité à Poitiers. Ça suffit comme ça !
Trois événements récents résument à eux seul l’irrésistible montée de l’insécurité dans notre ville « bonhomme ».
Le 5 novembre, 47 personnes ont été placées en garde-à-vue dont 5 ont été jugées et relaxées lors du rendu le 12 janvier pour avoir osé occuper une maison vide propriété de la commune dont la destruction promise entrait dans le projet urbain « cœur d’agglo » réalisé conjointement par les bétonneurs du groupe Vinci et par la mairie socialiste.
Le 28 décembre vers 23 h deux personnes sont interpellées par la BAC pour avoir osé récupérer de la nourriture dans les poubelles du Spar de Saint-Benoît. « Vol en réunion avec ruse », convocation au tribunal le 23 janvier, le procureur avait même demandé la mise en détention provisoire.
Le 4 janvier la police « politique » de Poitiers interpelle 6 personnes qui distribuaient un journal de contre information et un tract de solidarité avec les inculpés de Labège devant le cinéma de la Place d’Armes au moment de la projection du film « Tous au Larzac ». Tous les exemplaires du journal, L’Epine noire, ont été saisis.
Évidemment ces événements ne sont que la suite d’une logique répressive qui s’exerce à Poitiers depuis plusieurs années et qui a entraîné pas moins d’une trentaine de procès et la condamnation de plus de 40 personnes, en grande majorité des jeunes. Une logique qui s’inscrit dans la politique de l’État pour mettre sous le boisseau toute tentative d’expression sortant des cadres préétablis.
Pourtant cette fois-ci le « laboratoire poitevin » a expérimenté une escalade avec un tir groupé qui s’attaque à la fois à la liberté d’expression (déjà largement entamée par les difficultés à obtenir une salle) et de diffusion de la presse ainsi qu’à la volonté de dénoncer les énormes gâchis qu’engendre la société capitaliste. Quoi de plus normal et logique que de se servir de lieux vides alors que les mal-logés sont légions ; quoi de plus normal et logique que de refuser la destruction massive de nourriture alors que beaucoup en manquent.
Le plus souvent les « coupables » sont désignés par la presse comme par la Justice comme anarchistes. Soyons lucides il s’agit-là, bien au-delà de l’idéologie stigmatisée, de tenter de marginaliser toute forme de contestation de l’« ordre des choses ». Et soyons certains que les « cadres préétablis » dont nous parlions ont des contours tellement flous et incertains que les frontières reculent chaque jour et que ce qui était toléré hier ne le sera plus demain si nous ne réagissons pas ensemble et de manière déterminée. Les récents procès contre le refus de prise d’adn en sont un exemple, et les réactions qu’ils suscitent nous montrent le chemin.
Société policière. Ça suffit comme ci
Comité poitevin contre la répression des mouvements sociaux. antirep86@free.fr – www.antirep86.fr
La presse commente le procès hier
Saint-Benoît
Le énième épisode des relations tendues entre la police et un groupe de militants poitevins s’est joué hier, devant la justice.
Nouvelle relaxe
Après l’affaire du squat de l’avenue de Nantes qui s’est soldée par une relaxe il y a quinze jours, c’est l’affaire des poubelles du Spar de Saint-Benoît qui arrivait devant les juges, hier, pour une nouvelle relaxe.
Le 28 décembre, vers 23 h, une patrouille de police repère un véhicule sur le parking du supermarché situé près de la rocade.
Quand les policiers arrivent, ils voient deux personnes dont une est en train de charger dans une camionnette des cagettes remplies de denrée périmées prises dans les poubelles du supermarché. Les policiers reconnaissent Nina et Jean-Baptiste, déjà visés lors de précédentes procédures.
Ils sont placés en garde à vue et le parquet décide de les juger en comparution immédiate pour vol en réunion et par ruse dans le local à poubelles et refus du prélèvement ADN. L’audience tourne court. Les deux prévenus demandent un délai pour préparer leur défense. Ils sont remis en liberté là où le parquet souhaitait leur placement en détention provisoire.
“ Pour manger ”
Le jugement sur le fond s’est déroulé, hier. Une trentaine de personnes sont venues soutenir les deux prévenus. « C’était pour quoi ce que vous avez pris ? », interroge le président Callen. « Ça devait servir pour manger ! » répliquent à tour de rôle Nina et Jean-Baptiste. Des produits dont la date limite arrivait à échéance et que le directeur du magasin ne pouvait plus laisser en rayon. Les produits avaient été mis à la poubelle.
Un tract en travers de la gorge
« Nous ne sommes pas là pour juger des actions militantes, mais des actes de droit commun », a expliqué le procureur, Élisabeth Decencière-Ferrandière, en revenant sur un tract rédigé après le premier passage en justice des deux jeunes et distribué, hier, sur le parvis du tribunal.
Il stigmatisait la procédure judiciaire menée et s’en prenait nommément au procureur adjoint qui l’avait lancée. Un tract jugé très désagréable et qui a beaucoup occupé les réquisitions du ministère public. « La parole est libre, mais il y a des choses qui ne se font pas. On a voulu enrober un vol en action militante. »
Le parquet réclame alors huit mois de prison, dont deux ferme et deux ans de mise à l’épreuve, en provoquant une forte réaction de la salle.
La réplique ne se fait pas attendre. Me Malika Ménard épaule et fusille la procédure pour vol.
« Les photos prises par la police montrent qu’il y avait des poubelles dehors. Alors ? Le gérant a confirmé que les produits pouvaient être détruits. Tout ce qui a été jeté volontairement est réputé abandonné. Il n’y a pas eu de vol et encore moins de ruse. Si vous relaxez pour le vol vous relaxez pour le refus de prélèvement ADN. »
A comme amende
et ADN
Le tribunal a suivi la voie de la relaxe pour le vol, mais pas pour le refus de prélèvement ADN en récidive. « Vous êtes condamnés à 100 € d’amende. Vous ne pouvez pas le refuser à partir du moment où vous êtes en garde à vue. »
E.C.