Journal du Dimanche

Roms : “Valls confirme ce que disait le gouvernement précédent”

INTERVIEW – Le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, a affirmé ce matin sur Europe 1 vouloir continuer à procéder au démantèlement des camps de Roms, “chaque fois qu’il y a une décision de justice”.

Interrogé par leJDD.fr, le vice-président de la Ligue des Droits de l’homme et animateur du Collectif Romeurope, Malik Salemkour, évoque une “grand déception”.

Manuel Valls a réaffirmé mardi sa volonté de “démanteler des campements” de Roms, chaque fois qu’il y aura “décision de justice” en ce sens. Comment avez-vous réagi?

C’est une grande déception. Les solutions ne sont pas les expulsions sèches, elles ne sont que des problèmes, encore plus lorsqu’elles sont annoncées médiatiquement. La stigmatisation s’en trouve renforcée. Le ministre de l’Intérieur tombe dans le piège.

Deux ans après le discours de Grenoble, on entend les mêmes discours et les mêmes actes, à savoir des expulsions sans solution.

Ces déclarations nous inquiètent. Il n’y a pas de “problème Roms” en France, nous parlons de quelques dizaines de milliers de personnes qui sont visibles parce que victimes de stigmatisation par la précédente majorité.

Selon-vous, les propos de Manuel Valls sont-ils en contradiction avec les engagements qu’avait pris le président de la République pendant la campagne présidentielle…

Lorsqu’il était candidat, François Hollande nous a fait parvenir une lettre, s’engageant clairement sur cette question. Je cite:

“Je souhaite que lorsque des campements insalubres sont démantelés, des solutions alternatives soient proposées. On ne peut pas continuer à accepter que des familles soient chassées d’un endroit sans solution. Cela les conduit à aller s’installer ailleurs dans des conditions qui ne sont pas meilleures.”

Quant à Manuel Valls, il avait annoncé, lors de sa nomination, que son ministère veillerait à ne pas stigmatiser, à ne pas porter atteinte à l’intégrité des personnes, notamment des Roms. Finalement il confirme ce que disait le gouvernement précédent. Mais je ne veux pas croire à un revirement politique. Je pense que ces déclarations révèlent un ministre de l’Intérieur un peu en désarroi face à ce sujet pour lequel il ne veut pas entendre qu’il existe des solutions.

Avez-vous confiance dans la nouvelle majorité pour gérer ce dossier?

Nous avons été attentifs au discours de justice, de non-discrimination que le candidat Hollande avait porté pendant la campagne et nous y croyons encore. Mais nous devenons impatients. Sur le terrain, on se rend compte que certains préfets bloquent les solutions. On sait qu’il y a des bonnes volontés, mais il faut les mettre en œuvre par des réponses territoriales. Je ne peux pas croire qu’il y ait autre chose que la politique annoncée par le président de la République qui soit mis en œuvre.

Quels sont vos moyens d’action?

Nous avons une demande de rendez-vous en cours qui n’est toujours pas honorée. On insiste auprès du cabinet de Manuel Valls. Nous demandons au ministre de l’Intérieur de respecter la parole du président de la République et de mettre en œuvre des solutions. Elles sont simples: réunir les préfets, les collectivités locales (région, département, commune) avec les associations pour trouver des solutions sur chaque terrain pour envisager des réponses individuelles.

Nous attendons que Manuel Valls disent aux préfets, “il y a des décisions de justice mais il faut aussi respecter le droit”. Il faut penser au logement, à l’accompagnement social, notamment des mineurs. On demande qu’il applique strictement la loi visant à protéger des personnes en précarité. Il faut s’atteler aux problèmes de fond: le mal logement et le logement des précaires. Cela passe par des solutions individuelles et par la levée des mesures transitoires.

Mathilde Siraud – leJDD.fr
mardi 31 juillet 2012