Tribune libre, de José Meidinger

Pas de repentance sélective!

Cette semaine, à la veille de son départ pour l’Algérie, François Hollande a cru bon de se fendre d’un communiqué s’excusant, au nom de la France, pour la sanglante répression -”que la République reconnaît avec lucidité”- d’une manifestation d’Algériens, il y a 51 ans. Nous étions encore en pleine guerre d’Algérie et le FLN avait appelé, le 17 octobre 1961, à un grand rassemblement dans les rues de Paris qui fut réprimé dans le sang par la police française, matraquant, lynchant, jetant dans la Seine de nombreux Algériens venus manifester pacifiquement contre le couvre-feu qui les visait depuis le 5 octobre. On ne sut jamais le nombre total de victimes qui donne lieu encore aujourd’hui à une ignoble bataille de chiffres, entre le scandaleux bilan officiel de 2 morts et les plus vraisemblables estimations, se situant entre 150 et 200 Algériens tués.La gauche française,qui s’est mobilisée à travers le pays le 17 octobre dernier, pour conforter la repentance de François Hollande, avait été au moment des faits beaucoup plus discrète, à l’exception du député Eugène Claudius-Petit du centre gauche qui, à l’assemblée nationale, s’en était pris violemment à la police et aux incohérences de la version officielle, lançant dans l’hémicycle:”la bête hideuse du racisme est lâchée!”
Assez étonnamment le Monde, par la plume de Jacques Fauvet,estimera dans son éditorial du 19 octobre que: ”Le FLN ne manquera pas d’exploiter les sanglants incidents de Paris, et les atroces “ratonnades” d’Oran. Pourtant il en porte la responsabilité puisque, ici et là, c’est le terrorisme musulman qui est à l’origine de ces drames.”
Cette même gauche sera quelques mois plus tard, le 8 février 1962, beaucoup moins frileuse pour dénoncer la répression de la manifestation de Charonne qu’elle avait organisée et au cours de laquelle neuf personnes trouvèrent la mort au métro Charonne, étouffées ou à la suite de fractures du crâne. Qu’elle soutienne aujourd’hui mordicus le mea culpa de François Hollande, n’est que justice et il n’est jamais trop tard pour se rattraper.
A condition que cette repentance ne soit pas sélective, car la guerre d’Algérie, outre les bavures ignobles que l’on vient d’évoquer, a été hélas marquée par d’autres massacres hélas relégués dans les tiroirs de l’Histoire occultée.
Le massacre tout d’abord du 24 janvier 1960, lors de la semaine des barricades à Alger, d’une vingtaine de Pieds noirs voulant défendre coûte que coûte, l’Algérie française dont le général de Gaulle, revenu pourtant au pouvoir grâce à ses partisans, ne voulait plus, en changeant brutalement,-c’est le cas de le dire!-, son fusil d’épaule pour affirmer ”le droit des Algériens à l’autodétermination”.

Quand des Français tiraient sur des Français!

Un fusil mitrailleur qui crépitera encore plus mortellement ,lors de la fusillade de la rue d’Isly, appelée aussi le massacre de la rue d’Isly devant la Grande Poste d’Alger le 26 mars 1962. Ce jour-là, une manifestation de Pieds-noirs non armés, partisans du maintien du statu-quo de l’Algérie française, se heurta à un barrage des forces de l’ordre qui ouvrèrent le feu en tirant au FM dans la foule. Des Français tiraient sur des Français!
Une ”bavure sanglante” qui, comme celle du 17 octobre 1961, verra une disparité flagrante, entre le bilan officiel de 54 morts et 147 blessés et les chiffres de 80 morts et 200 blessés avancés par les familles des victimes. Elles pensaient obtenir 30 ans après, la levée du secret des archives de l’époque, il sera prorogé en 1992 de …70 ans, sans qu’aucun gouvernement, fut-il de gauche, ne s’en émeuve ou s’en préoccupe..
En tout cas, ce 26 mars 1962 sonnait le glas de l’Algérie Française. Dès le lendemain, les Pieds-noirs affolés commençaient à quitter leur terre natale pour la métropole. La valise ou le cercueil..
Le cercueil, quand ils eurent droit à une sépulture, c’est aussi ce qui attendait les Harkis engagés aux côtés de la France qui les abandonna lâchement lors des accords d’ Evian qui scellèrent le sort de l’Algérie indépendante. Selon une note du Service historique des Armées du 21 avril 1977 ”sur environ 200 000 supplétifs incorporés dans l’Armée française, 2500 ont été emprisonnés après l’indépendance et 150 000 ont disparu ou ont été exécutés par le FLN…” 40 000 ont pu rentrer en France, parqués pendant près de 30 ans, dans des camps semblables à ceux des Roms alsaciens.
Loin de moi l’idée d’établir une hiérarchie des bavures et des massacres qui ont émaillé la guerre d’Algérie, tous aussi condamnables. Simplement la repentance de la France ne peut pas être sélective en fonction de l’actualité des voyages de M. Hollande. Comme il a reconnu -à juste titre- cet été,la responsabilité de la police française dans la rafle du Vel’d’Hiv, le président se grandirait, en cette année du cinquantenaire de l’exode des Pieds-noirs, s’il concluait, avec la même ”lucidité”, à la responsabilité de l’Armée française dans le massacre de la rue d’Isly.
Et, mais il ne faut pas trop lui demander, à celle de l’abandon, de non-assistance à personnes en danger, des 150 000 Harkis livrés au FLN. Mais peut-être est-ce à ce dernier, toujours directement ou indirectement au pouvoir en Algérie, de le faire..On peut toujours rêver!
josé meidinger