Ligue Europa – Group I – Lyon/Ironi Kiryat Shmona
06/12
Mais bordel, que fait Israël dans la zone Europe ?
Loin des polémiques strictement politiques, la question mérite d’être posée : depuis quand et pourquoi la fédé israélienne de foot est-elle affiliée à l’UEFA, alors que le pays est géographiquement loin de l’Europe ? Et cette situation est-elle irréversible ? Éléments de réponse.
Lorsqu’une équipe française rencontre une formation israélienne, comme c’est le cas ce soir avec la confrontation entre Lyon et l’Hapoël Ironi Kiryat Shmona, nombreuses sont les personnes à s’interroger : tiens mais quand même, c’est bizarre, cette présence israélienne en zone UEFA…
Le pays du Proche-Orient n’est frontalier d’aucune entité européenne et au sens purement géographique du terme, il n’a rien à voir avec ce continent. D’ailleurs à l’origine, la Fédération israélienne de football était membre de la Confédération asiatique de football (AFC), fondée en 1954. Ce qui relevait de la stricte logique. Et dès que l’AFC commence à organiser des compétitions internationales sur le continent asiatique, Israël en est, forcément. Le pays naissant ne se contente pas de participer, il brille très rapidement, avec à son palmarès les deux premières finales de la Coupe d’Asie des nations en 1956 et 1960, puis carrément la victoire à domicile en 1964. Mais déjà à cette époque, la présence d’Israël dérange et provoque le bordel. Lors des qualifications pour la Coupe du monde 1958, la situation vire même au grand n’importe quoi, avec une série de boycotts qui aurait pu mener la sélection en Suède… sans disputer le moindre match. C’est d’abord la Turquie qui refuse de jouer face à Israël, puis l’Indonésie qui voit échouer sa demande de jouer sur terrain neutre. Chaque fois, Israël l’emporte et passe les tours sur tapis vert. C’est encore le cas avec un nouveau refus de jouer du voisin égyptien et un dernier du Soudan, lors du match de qualification décisif Asie/Afrique. Cas ubuesque : la Fifa est donc contrainte d’imaginer à l’arrache un tour de barrage supplémentaire pour ne pas voir débarquer dans la plus prestigieuse de ses compétitions un pays qui n’a pas disputé une seule minute pour se qualifier ! Ce sera contre le Pays de Galle, lucky loser de circonstance qui élimine Israël en deux matchs.
Face à l’Iran à Téhéran devant 100 000 spectateurs
Si les Israéliens vont finir par se qualifier à peu près normalement pour le Mondial 1970 – un boycott de la Corée du Nord tout de même –, la situation devient très vite assez ingérable pour les dirigeants de la zone Asie de foot, qui en ont un peu marre de voir se multiplier des annulations de match pour raisons politiques… La Guerre des Six Jours de juin 1967 et le développement de l’OLP dans les années qui suivent viennent encore accroître les tensions, Israël se trouvant de plus en plus isolé. La sélection n’est plus seulement concernée, les clubs également. Si, sur le terrain, l’Hapoël Tel Aviv et le Maccabi Tel Aviv se distinguent dès l’organisation des premiers tournois asiatiques des clubs, en dehors les tensions sont à leur paroxysme. Le Maccabi, déjà vainqueur en 1969, double son palmarès deux ans plus tard grâce au forfait de son adversaire en finale, le club irakien d’Al-Shorta. Tous ces boycotts décrédibilisent l’AFC, qui cède aux pressions de la majorité des pays du Golfe, excluant Israël en 1974. Ironie du sort, le dernier match de la sélection en tant que membre de la zone Asie a lieu en finale des Jeux Asiatiques face à l’Iran devant 100 000 spectateurs à Téhéran…
Vont suivre pour Israël deux décennies de nomadisme, le pays n’étant plus lié à aucune confédération. Ses clubs ne participent plus aux compétitions internationales et la sélection est brinquebalée d’une zone à l’autre par la Fifa pour disputer ses matchs officiels. C’est d’ailleurs en tant que représentant de la zone… Océanie qu’Israël est tout proche de se qualifier pour la Coupe du monde 1990, n’échouant qu’en matchs de barrage Océanie/Amsud face à la Colombie. À cette époque, l’UEFA décide d’intégrer durablement ce pays ami, pour que cesse cette longue et gênante période d’exclusion. Dès 1992, le club champion d’Israël est autorisé à disputer la Ligue des champions, tandis que la sélection tente de se qualifier pour le prochain Mondial en Europe. Son premier fait d’arme : une victoire face à la France au Parc des Princes en 1993. Un an plus tard, c’est officiel, Israël devient membre à part entière de la zone UEFA.
L’exemple du tennis
Ce long résumé historique posé, se pose une question : la situation, inchangée depuis près de deux décennies, peut-elle évoluer dans le futur ? A priori, non. Cette présence d’Israël, quoiqu’étonnante sur le strict plan géographique, semble acceptée de tous, y compris du principal intéressé. Au nom de la sécurité de ses joueurs, la fédé israélienne semble en effet avoir fait une croix sur son prestige et son palmarès passé, acceptant d’être devenu en Europe une nation mineure, alors qu’elle était une place forte du football en Asie. En plus, Israël n’est plus seul à faire dans le bizarre, puisque la fédé australienne a récemment intégré la zone Asie, les Socceroos se faisant un peu trop chier en Océanie… Sauf que les critères sont là purement sportifs. Ce qui n’est pas le cas avec Israël, pays non reconnu par la plupart des pays du Golfe. Pourtant, en étant optimiste, il est possible d’envisager un apaisement des relations sportives entre l’état hébreu et quelques pays voisins de la zone Asie. En tennis par exemple, la championne Shahar Pe’er dispute l’Open de Doha au Qatar depuis 2008 et l’Open de Dubaï aux Émirats depuis 2010, après un premier refus en 2009.
Cette normalisation, difficile à imaginer il y a encore quelques années, a été rendue possible grâce à la pression des instances internationales. Le Qatar particulièrement a tout intérêt à jouer un rôle de médiateur dans ces affaires politico-sportives qui sont sa spécialité. Qu’Israël puisse disputer un match international contre une sélection du Moyen-Orient pour la première fois depuis près de 40 ans, ce serait un beau symbole adressé à la Fifa, alors que la Coupe du monde 2022 se profile… Les organisateurs avaient d’ailleurs annoncé en 2009 qu’en cas de qualification d’Israël pour la compétition, la sélection serait la bienvenue en terre qatarienne. Problème : c’est en ce moment en Europe que des tensions se font désormais jour, avec ce récent appel au boycott du prochain Euro Espoirs. S’agissant d’Israël, sport et politique forment un bien drôle de ménage…
Par Régis Delanoë
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