viper-full elbit systems

“Elbit est un cas classique d’une entreprise profitant de la guerre, ayant un intérêt direct pour les conflits, la terreur et la peur.”

Traduction en français de la synthèse sur Elbit faite par Shir Hever pour le tribunal Russel

Russell Tribunal
on Palestine

ELBIT SYSTEMS

Shir Hever – économiste

Partie 1 : méthodologie

Cette présentation d’Elbit Systems sera divisée en deux parties. Pour ma part, je parlerai des informations dont nous disposons sur l’entreprise elle-même et Jamal Juma, qui parlera après moi, parlera des violations des droits de l’homme commises par Elbit ainsi que de sa participation à des crimes de guerre.
Les informations que je vais vous présenter ici sont tirées d’une variété de sources qui, en dépit de sa diversité et de son étendue, demeure limitée. Elbit Systems est avant tout une entreprise d’armement. La plupart de ses produits sont destinés à un usage militaire et c’est naturellement à ce titre une entreprise discrète. Ainsi, la grande majorité des informations portant sur l’entreprise trouvent leurs sources dans l’entreprise elle-même – à travers de nombreuses déclarations à la presse publiées dans les médias hébreux et destinés surtout à des investisseurs potentiels.

Deux points importants sont à noter :

Nous détenons plus d’informations à propos d’Elbit étant donné qu’il s’agit d’une entreprise privée et qu’un des aspects de sa recherche d’investisseurs est la publicité.
Elbit est plus prompte à annoncer ses accords avec l’Europe et les États-Unis qu’avec l’Asie et l’Amérique Latine (à l’exception du Brésil et de la Corée du sud1. Les relevés de situation financière d’Elbit révèlent des liens avec l’Argentine, l’Australie, le Brésil, la Bulgarie, le Canada, la Colombie, la Géorgie, la Roumanie – mais même ces relevés mentionnent parfois « d’autres clients » sans spécifier2.

Partie 2 : Information générale à propos de l’entreprise

Elbit a été fondée en 1967, suite aux opportunités commerciales issues de l’occupation. Le gouvernement israélien refusa de renoncer aux territoires occupés et augmenta l’investissement gouvernemental dans le développement militaire afin de faire face au conflit qui résulterait inévitablement de l’occupation. En 1996, l’entreprise s’est divisée en deux : Elbit Systems Ltd. et Elbit Imaging Ltd.

L’entreprise s’est développé de manière significative depuis les années ’90 et a acquis de plus en plus d’entreprises dans le cadre de sa stratégie de croissance. En 2007, elle était cotée 37ème en termes de croissance parmi les entreprises de défense mondiales par Defense News3.

Sur la période 2001-2005, Elbit a reçu des revenus annuels totalisant entre 756 millions et 1070 millions ainsi qu’un profit net annuel de 1.07$ à 1.08$ par action. Le total des revenus des actionnaires se situait entre 378 million et 451 million de dollars4.
En 2005, l’entreprise employait 6430 travailleurs.

L’entreprise vaut aujourd’hui environ 1.6 milliard d’Euros, et le profit net en 2009 était de 88 million d’Euros. En 2009, l’entreprise a atteint un profit moyen par tête de presque 30 %.
Le PDG est Joseph Ackerman, et l’actionnaire principal est Michael Federmann.

Elbit est une entreprise à branches multiples avec de nombreuses filiales. Elle possède Tadiran, une des plus anciennes entreprises d’armement israéliennes5. D’autres filiales sont Vision Systems International qui développe des systèmes de ciblage pour le bombardement au sol6, Elisra qui produit des systèmes de guerre électroniques7, Elop qui produit des systèmes optiques destinés à la défense et la sécurité intérieure, Cyclone qui produit des pièces en métal pour avions, Silver Arrow (drones), Opgal (images thermiques), SCD (semi-conducteurs), Ortek (systèmes de surveillance des frontières) et U-TacS, une filiale britannique opérant le programme Watchkeeper8.

Elbit Systems possède une filiale nommée « Elbit Systems aux États-Unis (ESA) » qui collabore avec l’armée U.S. afin de profiter de l’aide militaire des États-Unis envers Israël9. Le contrat d’Elbit avec Lockheed Martin pour le développement de casques et autres systèmes destinés à l’avion de chasse F3510 est un aspect crucial de cette collaboration.
En 2009 Elbit a acheté Kinetics, une entreprise produisant des accessoires pour les véhicules de combat11 et BVR, une entreprise produisant des systèmes d’entrainement et des simulateurs12. Elle a ensuite acheté Shiron, une entreprise spécialisée dans les simulateurs13.
De plus, Elbit a acquis le groupe Mikal qui se concentre sur la production d’artillerie et de véhicules blindés en réponse à une mode parmi les constructeurs de tanks qui se sont mis à produire eux-mêmes la technologie pour améliorer leurs propres tanks14. Elle a aussi récemment acheté l’entreprise Azimut qui développe l’équipement de surveillance et de ciblage au profit de clients militaires et civils15.

Elbit possède aussi une filiale nommée Elbit filiale Européenne basée en Belgique.

Elbit est échangée à la bourse de Tel-Aviv et sur le Nasdaq.

Part des ventes :

Année se terminant le 31 décembre
2003 2004 2005
Israël 29 % 26 % 29 %
États-Unis 37 % 37 % 37 %
Europe 12 % 12 % 10 %
Autres 22 % 24 % 24 %

Les profits de Elbit Systems sont liés de près aux clients européens. Lorsque dans le second trimestre de 2010 les pays européens ont commandé moins de drones, les ventes de Elbit ont chuté de 17 %16.

Partie 3 : Mode opératoire

Le modèle d’affaires de Elbit est construit autour de relations étroites avec l’armée israélienne. L’entreprise a des liens proches avec des unités spécifiques de l’armée et y recrute des individus avant même que leur période de service ne prenne fin17.
En plus de ces militaires qui assistent Elbit grâce à leur expérience du combat ainsi qu’une connaissance étroite des besoins de l’armée, l’entreprise collabore étroitement avec des établissements israéliens d’enseignement supérieur : le Technion à Haifa ainsi que l’Institut Weizman ont tous deux ouvert des centres de recherche en électro-optique en collaboration avec Elbit (et le Technion forme spécifiquement ses étudiants à travailler pour Elbit). Le Technion a aussi décerné un doctorat honorifique à Joseph Ackerman. Michael Federmann, président du conseil d’administration de Elbit et son propriétaire principal est aussi membre du conseil d’administration de l’Institut Weizman et de l’Université hébraïqe. L’Institut Weizman a initié un programme de formation de lycéens à l’électro-optique au sein d’usines Elbit. Elbit sponsorise aussi le programme Atidim pour les étudiants réservistes dans l’armée.
Dès que Elbit développe un système, l’entreprise le fait tester par l’armée israélienne. Une fois que celle-ci a placé une commande, il est beaucoup plus aisé de le vendre à d’autres armées. Les systèmes sont vendus aux clients sur la base d’une succession de contrats. Les clients achètent l’équipement, mais Elbit propose de les renouveler et de les améliorer après plusieurs années à l’aide d’un nouveau contrat.

Elbit est un fournisseur majeur de l’aviation israélienne. Par exemple, l’entreprise fournit des avions destinés aux élèves officiers de l’aviation18et des simulateurs de vol pour F1619. L’entreprise fournit aussi des équipements à d’autres branches de l’armée israélienne. Elle fournit par exemple des systèmes de conduite de tir, de mitrailleuse et de tourelle électrique pour le principal tank de combat israélien, le Merkava, utilisé contre des populations civiles ainsi que le programme israélien « Digital Army », utilisé durant la guerre de 200620.

Elbit fournit des équipements électroniques aux forces terrestres et aériennes de nombreux pays, y compris plusieurs pays européens21.

Elbit gère aussi des équipements de renseignements et fournit des produits aussi bien à des clients israéliens qu’internationaux22.

Les systèmes de ciblage de Elbit, spécialement l’équipement de vision nocturne, sont aussi largement distribués à travers le monde (par exemple aux États-Unis)23.

Elbit est réputé pour ses avions sans équipage utilisés par l’armée israélienne mais aussi par de nombreux autres pays, y compris le Royaume-Uni. Elbit coopère avec l’entreprise française Sagem ainsi que l’entreprise britannique Thales sur la production et le marketing d’UAV24. Ces UAV sont utilisés en Afghanistan25. Le Hermes 1500, par exemple, est capable de porter une charge explosive de 350 kilos, a une autonomie de 200km (ou le double si il ne revient pas), et peut rester 24 heures en vol. Il peut être ainsi considéré comme un missile.
Les UAV Elbit ont été utilisé par la Turquie dans les régions kurdes du Sud-est du pays où le gouvernement turc commet des crimes de guerre26.

Elbit fournit aussi des produits pour le marché civil. L’entreprise fournit par exemple un système de protection contre les missiles sol-air à des compagnies aériennes commerciales, mais le système provoque une augmentation significative de la consommation de carburant27. Le système est déjà opérationnel à bord de certains vols d’El-Al28

Elbit est devenu un acteur majeur sur le marché de la sécurité intérieure au cours de la dernière décennie, produisant des systèmes de sécurité pour les aéroports et ports navals, des systèmes de contrôle des frontières (y compris des bases de données concernant les passagers), des systèmes de contrôle des côtes, des barrières électroniques, des technologies de surveillance, des UAV pour la police etc.29

Certaines technologies Elbit sont adaptés à une utilisation non-militaire, telles que celles destinées à des procédures médicales.

Partie 4 : Incitation à la guerre

Elbit est un cas classique d’une entreprise profitant de la guerre, ayant un intérêt direct pour les conflits, la terreur et la peur.

Au cours de la récente crise économique mondiale, les profits de Elbit sont
montés en flèche alors que la majorité des entreprises mondiales ont connu des pertes significatives. Au cours du troisième trimestre de 2008, alors que la crise économique frappait la planète entière, les profits bruts de Elbit ont augmenté de 121 % atteignant 78.3 million de Dollars, et ses profits nets ont augmenté de 35 % atteignant 35 .5 million de Dollars30. L’entreprise a connu une autre augmentation de 34.5 % de ses profits nets durant le premier trimestre 200931.

Elbit n’est pourtant pas indestructible. L’expansion rapide de l’entreprise à travers les fusions est alimentée par le crédit et le crédit est collecté à travers le marché des actions et des obligations. En 2009, le Fonds de Pension Norvégien a choisi de se désinvestir de Elbit en accord avec sa politique éthique, et surtout parce-que Elbit fournit des équipements pour la construction du mur de séparation en Cisjordanie, déclaré illégal par la Cour internationale de justice de La Haye en 2004. Cette décision a été suivie par des décisions similaires des fonds de pension suédoises et néerlandaises. En mai 2010 la Deutsche Bank a également choisi de se désinvestir d’Elbit. Il ne s’agissait pas ici d’une décision morale comme ce fut le cas pour les fonds de pension, mais une décision basée sur l’appréciation stratégique de la banque selon laquelle Elbit risquait de perdre de nombreux investisseurs et ainsi perdre de la valeur marchande.

L’exemple d’Africa Israel (NDT:entreprise qui ayant sous la pression de BDS renoncé à construire des colonies continue aujourd’hui la construction de colonies via une filiale d’après un reportage d’Adalah, une ONG œuvrant pour les droits des Arabes en Israël ) prouve que le désinvestissement peut finir par forcer une entreprise à respecter la loi internationale et Elbit ne semble pas être moins vulnérable à une telle pression.

http://www.elbitsystems.com/elbitmain/