Voici donc une promesse d’avenir radieux pour tous ceux qui veulent résoudre les problèmes du peuple, en s’attaquant, au choix, au complot juif ou à la colonisation afro-musulmane, quand ce n’est pas aux deux en même temps. L’instrumentalisation, la relégation de la question sociale (quand ce n’est pas tout simplement sa négation) amènent nécessairement à penser que notre monde est ce qu’il est – en bien ou en mal – parce que les acteurs qui le façonnent sont ce qu’ils sont.

Vues ainsi, les choses ne se réalisent plus parce que les conditions sociales sont réunies pour qu’elles se produisent. Tout est alors expliqué par l’essence, la nature même des acteurs. Dans ce schéma, les individus et les groupes sociaux sont libérés des contraintes structurelles. Ce qui est en soit un paradoxe pour ceux qui prétendent combattre « le système », puisque le cœur même de l’essentialisation c’est d’évacuer le rôle du système dans lequel nous évoluons pour lui substituer celui de l’origine des acteurs. Dès lors, la violence mortifère d’une fraction des nôtres, comme la cupidité de la bourgeoisie, ne sont plus les produits d’un système qui légalise et glorifie l’exploitation de l’Homme par l’Homme.
Elles sont uniquement la conséquence de comportements individuels et collectifs qui trouvent leurs origines spécifiquement dans les cultures – souvent fantasmées – des auteurs de ces actions. Ainsi l’on peut expliquer sans peur du ridicule que les capitalistes sont cupides parce que parfois juifs et les classes populaires dangereuses parce que parfois musulmanes.

Que la réalité soit différente n’a aucune importance pour ceux qui s’adonnent à ces croyances. La force de l’essentialisation réside dans le fait qu’elle peut tout tordre, et en particulier la réalité. Cerise sur le gâteau, elle permet aussi aux grands bénéficiaires de ce « système », ceux qui possèdent l’appareil de production – les capitalistes industriels et financiers – de détourner les colères résultant des injustices sociales vers des moulins à vents. En effet, plutôt que de s’attaquer aux injustices bien réelles que nous vivons dans nos quartiers populaires, (chômage de masse, violences policières, pénurie et insalubrité de l’habitat…) une partie des nôtres va systématiquement chercher comme cause de nos malheurs les patronyme juifs ou musulmans, pour se convaincre que, de toute façon, « ils tiennent tout ».

C’est peu d’écrire que loin d’être rouge, le fond de l’air est annonciateur du pire dès lors que de tous les côtés de l’échiquier social des représentations imputent tous les malheurs du monde aux juifs ou font de l’islam le nœud de tous les problèmes. Théorie du complot juif/sioniste d’un côté, remplacement des populations blanches par l’immigration africaine de l’autre. L’extrême droite sous toutes ses formes (antisémite, xénophobe, islamophobe) impose de plus en plus sa doxa qui repose sur l’essentialisation des rapports sociaux. C’est ainsi que l’on peut assister à des rapprochements que nous aurions jugé improbables il y a dix ans. Comme lors de la séquence des Journées de Retrait de l’Ecole : où les délires de Farida Belghoul sur les élites sataniques maçonniques et sionistes ont convergé avec les délires de la France blanche et chrétienne de Beatrice Bourges. Deux dingues pour une fine équipe qui veut protéger nos enfants.

Pour tous ceux qui s’adonnent pleinement ou partiellement, consciemment ou inconsciemment à ces sinistres croyances cela ne sera pas sans conséquences.
Il faut arrêter de tourner autour du pot, et comme à l’extrême droite on a rarement le courage de ses opinions, on va nommer les choses à leur place. Les monologues à la Soral/Cardet et cie qui égrènent des noms de juifs, sous couvert d’un antisionisme détourné de son combat véritable, ou les représentations caricaturales de l’Islam par Riposte Laïque, sous couvert d’une laïcité instrumentalisée, ne sont que les cache-sexe de ceux qui n’osent pas formuler clairement leurs idées.

Ces idées, elles sont simples : le monde irait mieux sans les juifs et/ou les musulmans.

Une fois qu’on a validé ces magnifiques idées que faire ? Comment neutraliser ces individus nuisibles parce que juifs ou musulmans ? Leur demander d’abjurer ? Les renvoyer dans leur pays ? Mais au fait, c’est quoi le pays des juifs ? Israël ?
Équation difficile : lutter contre le sionisme et renvoyer des juifs en Palestine ?

Puisons alors dans l’histoire de l’Europe pour trouver des solutions ! Et d’autresont réfléchit à la question avant nous.
Le « génie allemand » nous a déjà proposé une solution, finale, pour empêcher un ennemi intérieur de nuire quand la nuisance est le produit même de son existence.

La nuisance s’incarne dans des hommes des femmes des enfants.

Il va donc falloir un peu se salir les mains, mais un métier d’avenir se dessine : gardien de camps.

C’est le prix à payer pour débarrasser le monde des juifs et des musulmans, auxquels on peut rajouter les Rroms ou tout autres groupes humains stigmatisés en fonction de ce qu’il est.

Pour tous ceux qui essentialisent les rapports sociaux ils n’y a pas d’autre voie que celle-là.

Pour ceux qui sont déjà sur ce chemin ou qui commencent à l’emprunter n’oubliez cependant pas qu’il n’y a que les montagnes qui ne se croisent pas.

Sur ce chemin, vous trouverez nécessairement des gens comme nous qui nous refusons à essentialiser les rapports sociaux, vous trouverez des gens vigilants sur ces bagatelles annonciatrices de grands massacres. Vous tomberez aussi sur des gens déterminés à ne pas se laisser enfermer ou même garder des camps s’il le faut, des camps pour punir tous les racistes et les exploiteurs.

En conclusion, sur ce chemin, il vous faudra rendre des comptes.

 

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