Cela ressemble à un canular. Mais du côté du vénérable FEC -l’association d’obédience catholique qui cultive depuis les années 20 les vertus « d’éducation et de responsabilisation sociale, culturelle, politique et religieuses », ainsi que de protection de « la jeunesse étudiante en assurant son bien-être matériel et moral », l’humeur n’est pas à la plaisanterie. Et pour cause.

Pas vu le coup venir

L’association, propriétaire de ses murs dans l’ancien hôtel particulier du XVI e siecle, qui donne sur la place St-Etienne, « propose aux étudiants (es) quelle que soit leur origine sociale, nationale ou religieuse, une formation intellectuelle et spirituelle ouverte et critique ». Or, pour le coup, l’institution fondée par le frère Médard, qui « par son rayonnement, contribue à forger et à diffuser l’humanisme européen et la culture sociale qui caractérisent l’ensemble de ses activités », n’a pas vu le coup venir…

« Il y a deux ou trois mois, un type très cool, très sympa est venu me voir », se souvient Pierre Troestler, directeur adjoint du FEC. « Il m’a expliqué qu’il était chargé par une organisation littéraire danoise -vu qu’elle n’avait personne sur place à Strasbourg-, de prendre attache avec nous pour réserver une salle pour une conférence où il sera question de romans », raconte-t-il. « Comme nous avions déjà accueilli au FEC, il y a quatre ou cinq ans, des romanciers danois, je ne me suis pas méfié… car en général je demande une copie du statut de l’association quand il s’agit d’une première demande. » Erreur. Lorsque les autorités l’ont rendu sensible au « pedigree » des différents intervenants, le sang de Pierre Troestler n’a fait qu’un tour : « On s’est fait avoir… Nous n’accueillons pas ce type de mouvement au FEC. Nous refusons d’ouvrir nos portes aux partisans de l’extrême droite, ainsi qu’à l’extrême gauche. Or ici, il s’agit manifestement d’intégristes laïcards extrêmistes… »

« Cette idéologie n’a pas sa place chez nous »

À regarder la liste des intervenants annoncés, on trouve aussi l’activiste américaine Pamela Geller, dont le dernier ouvrage à paraître n’est autre qu’ Arrêter l’islamisation de l’Amérique, guide pratique pour la résistance… À ses côtés un autre auteur islamophobe, Robert Spencer, qui livre lui aussi un Guide politiquement incorrect de l’islam. Mais aussi Roberta Moore, de la section juive-English Defence League. Ou encore Christine Tassin, laïque extrémiste, ouvertement anti-islamiste, tout comme le rédacteur en chef de Riposte laïque ; et Fabrice Robert, président du Bloc identitaire. « Je considère que le contrat n’a pas été respecté, objecte le directeur adjoint du FEC. Ce type d’idéologie n’a pas sa place dans nos murs où nous prônons la tolérance. Concernant l’islam, nous avons une position claire : nous le souhaitons républicain et laïc. Et que les imams soient formés dans ce cadre de la République, dans une faculté à Strasbourg. »

Le responsable du FEC a fait part de son refus au mouvement. « On m’a répondu que j’avais une mauvaise analyse de leur mouvement, prétendant qu’ils y avaient même invité Roland Ries, maire de Strasbourg », en gage de leur bonne foi…

No comment

À la Ville, c’est motus. « On n’a pas été contactés », se borne-t-on à répondre, en renvoyant la patate chaude à la préfecture : « C’est de son ressort », en ce qui concerne la manifestation. À la préfecture, aussi sur ce point, c’est no comment.

Les blagues les plus courtes sont manifestement les meilleures. Les mauvaises, surtout.

Philippe Dossmann