Ce début d’été n’est pas seulement météorologiquement très chaud, mais aussi, contrairement à l’habitude, politiquement brûlant.

La démission de deux sous-ministres vient s’ajouter au feuilleton Woerth-Bettancourt. Pas de chance pour Sarkozy, l’élimination précoce des Bleus en Afrique du Sud empêche que leurs aventures servent d’écran.

Heureusement les médias sont là pour réécrire ad usum delphini le cours des événements.

Ainsi, ce lundi, on ne peut manquer d’être étonné par la manière dont les Dernières Nouvelles d’Alsace informent leur public.

Les lecteurs attentifs sont gâtés. Ils ont droit à plusieurs versions des faits, l’une officielle, en Une, l’autre probablement plus véridique à l’intérieur du Journal.

Le lecteur pressé lira seulement le bandeau de la Une:

Sur injonction de l’Élysée et de Matignon

Alain Joyandet et Christian Blanc démissionnent.

En somme, la situation serait sous contrôle. Sarkozy ferait le ménage en se débarrassant de deux secrétaires d’État trop compromettants avec leur avion privé et leurs cigares.

En réalité on est plutôt dans le “Puisque ces mystères nous dépassent, feignons d’en être l’organisateur.”

Et il suffit pour s’en convaincre de lire les articles du Journal à l’intérieur du 1er cahier.

En apparence, le titre de la page 2 semble confirmer la Une:

“Joyandet et Blanc ” démissionnés”.”

Donc, ce serait Sarkozy qui aurait le contrôle du timing.

Mais dans le corps des articles et de l’éditorial, c’est une autre version des faits, plus proche sans doute de la réalité, qui s’impose.

Dès le 1er pargraphe, on lit ceci:

En fin d’après-midi, M. Joyandet, secrétaire d’État à la Coopération et à la Francophonie et proche de longue date du président Nicolas Sarkozy, a créé la surprise -jusqu’à l’Élysée- en annonçant lui-même sur son blog qu’il renonçait à son portefeuille.” (grassé par nos soins).

Que reste-t-il du “Sur ‘injonction de l’Élysée et de Matignon” de la Une?

Les DNA ne sont pas à une contradiction près! A moins qu’ils ne jugent le lecteur si paresseux et oublieux qu’il ne se souvienne page 2 de la page 1!

Les DNA évoquent ensuite la version officielle, mais la démolissent plus loin en disant que l’Elysée avait été “pris de court par la démission de M. Joyandet” et qu’il s’est contenté de saisir “l’occasion pour congédier aussi M. Blanc“.

On se souvient peut-être que dès vendredi l’information avait filtré selon laquelle un remaniement conséquent aurait lieu en novembre, dont Joyandet, Blanc et quelques autres, dont Amara et Yade, feraient les frais.

Preuve suffisante pour confirmer que la démission de Joyandet a surpris Sarkozy.

Mais il fallait faire semblant que rien n’échappait au contrôle élyséen, d’où les versions contradictoires, et l’embarras du Journal qui laisse les deux versions cohabiter.

L’éditorialiste, Olivier Picard, lui-même fait mine de croire à la version officielle.

Il parle de “démissions forcées“, de “licenciement sec“. Plus loin, il dramatise le roman:

Il fallait des victimes expiatoires! Vite. Tout de suite. Alors on a choisi les deux mauvais élèves les plus caricaturaux…

On ne fera pas l’injure de croire que notre éditorialiste, si au fait des bruits de couloir, prenne pour argent comptant, sa fable.

A moins qu’il n’ait été atteint lui aussi du “coup de chaud” qui fait le titre de son éditorial?