SYNDICAT DE LA MAGISTRATURE

Le 21 septembre dernier, dix-huit associations publiaient un « Livre noir » dénonçant les conditions d’accueil des étrangers à la préfecture de Bobigny : files d’attente interminables, usagers contraints de passer la nuit entière sur place pour avoir une chance d’accéder au guichet, conditions d’hygiène déplorables…

Il ne fait de doute pour personne que cette situation inadmissible résulte d’une volonté politique de traiter par le découragement les droits des étrangers en Seine-Saint-Denis.

Comme tout état de pénurie organisée, celui-ci génère son propre contournement. Ainsi, quelques-uns exploitent la longueur des files d’attente en revendant leur ticket ou en cédant leur place moyennant rétribution.

Pour désagréable qu’il soit, ce procédé résulte directement de la carence coupable et volontaire de l’Etat à organiser convenablement ce service public. Il ne relève du reste aucunement de la loi pénale.

Il s’avère pourtant que le procureur de la République de Bobigny n’a pas trouvé meilleure méthode pour y mettre fin que de faire interpeller ces revendeurs de tickets, de les faire placer en garde à vue et de les déférer en comparution immédiate pour – que les juristes s’accrochent ! – travail dissimulé ou extorsion de fonds…

Le résultat judiciaire est à la hauteur des espérances : une improbable condamnation le 11 juin dernier à…100 euros d’amende avec sursis, et d’évidentes relaxes aux audiences des 31 août et 10 septembre.

Avec un bel entêtement, le parquet a, de concert avec la préfecture, fait interpeller, mardi 28 septembre, six nouvelles personnes pour ces faits : jugées aujourd’hui en comparution immédiate après une trentaine d’heures de garde à vue pour extorsion de fond, elles ont été relaxées à leur tour par le tribunal, après quelques minutes d’audience.

Le Syndicat de la magistrature ne saurait admettre que, pour complaire à un préfet nouvellement nommé, un procureur de la République maltraite ainsi les règles du droit pénal qu’il est chargé de faire respecter.

Il s’interroge sur les raisons qui poussent les représentants de l’Etat et de la Justice à privilégier une répression absurde et inefficace, plutôt que de résoudre le problème posé en affectant davantage de personnels à l’accueil des étrangers dans cette préfecture.

Il souhaite par ailleurs que le procureur de la République, dans le souci d’une juste application du droit, engage enfin, plusieurs mois après son arrivée, un dialogue constructif au sein de son parquet sur les principaux axes de sa politique pénale.