Centre de rétention de Cagliari en Sardaigne (Italie)

Mutinerie de migrants clandestins

El Watan, 13 octobre 2010

Dans l’après-midi de lundi dernier, sur la centaine de révoltés, une quarantaine a réussi à rejoindre la piste de l’aéroport.

Une trentaine d’Algériens étaient parmi les 102 immigrés clandestins qui se sont échappés, lundi 11 octobre 2010, du centre de rétention de Cagliari, en Sardaigne (Italie), a indiqué Mounira Haddad, présidente de l’Association de défense des droits des migrants, demandeurs d’asile et des réfugiés (AFAD), après avoir pris contact, en fin d’après-midi hier, avec ses homologues d’ONG italiennes qui militent pour la même cause. Après leur évasion, les 102 sans-papiers, des Maghrébins, ont aussitôt envahi l’aéroport de la ville, puisque le centre où ils étaient placés depuis plusieurs mois est une ancienne base aéronautique militaire située à 150 mètres à peine de la tour de contrôle de cet aérodrome, ont rapporté les médias italiens. Selon ces derniers, en début d’après-midi de lundi, sur la centaine de révoltés ñ dont l’action est motivée par leur refus du transfert de certains d’entre eux dans un centre d’identification et d’expulsion ñ une quarantaine a réussi à rejoindre la piste de l’aéroport, obligean t sa fermeture durant toute la journée. Les forces de l’ordre ont alors été mobilisées en masse pour récupérer les migrants. Dix ont été arrêtés et conduits à la prison de Cagliari et deux blessés ont été hospitalisés. Et ce n’est qu’hier que l’aéroport a été rouvert.

Toutefois, ajoutent les mêmes sources, la situation demeure tendue dans le centre de rétention de Cagliari, où les conditions de vie attentatoires aux droits humanitaires ont toujours été dénoncées par les ONG de par le monde. Ce que ne manquera pas de souligner Mme Haddad qui, en 2009, faut-il le noter, n’avait pas été autorisée par les autorités italiennes à visiter nos concitoyens pensionnaires dudit centre. «Bien que nous réprouvons ce mode de protestation, j’estime qu’il fallait s’attendre à de telles actions. Les conditions de vie et les modes répressifs continuels auxquels ont souvent recours les services de sécurité des centres de rétention italiens poussent cette frange de migrants à l’extrême. Toutes les ONG et associations de défense des droits des migrants n’ont jamais cessé de porter ces graves atteintes aux droits humanitaires sur la scène internationale. Malheureusement, elles ont bien du mal à se faire entendre par le gouvernement italien», regrette-t-elle. La présidente d’AFAD s’interroge toujours sur l’étrange placidité des autorités nationales à l’égard de ce phénomène des harraga qui a l’intérêt de montrer comment elles sont amenées à le combattre, pas seulement pour répondre aux exigences européennes, mais avant tout pour nier la faillite de leurs propres politiques sociales. Ces autorités nationales qu’elle interpelle encore une fois pour se pencher sur le cas du jeune harrag disparu lors de son évacuation vers un hôpital romain. En effet, a-t-elle tenu à rappeler, un groupe de harraga algériens détenus en Italie est toujours sans nouvelles d’un des leurs, et ce, depuis début 2009. Il faisait partie d’un groupe de migrants clandestins ayant été transféré du centre de détention de Bari vers celui de Ponte Galliera à Rome (Italie). Ce jeune, non identifié, souffrait d’une maladie cardiaque chronique.

Les jours passent et les migrants enfermés se rappellent aussi de Salah Soudami, mort la même année (2009), dans les mêmes conditions. Etant également atteint d’une lourde maladie, le jeune Salah aurait été mortellement tabassé dans ce sinistre centre de Ponte Gallierra. «Les migrants enfermés ont demandé des nouvelles de leur copain à la Croix-Rouge chargée de la gestion du centre, mais ils n’ont pas eu de réponse. Même black-out du côté des policiers qui l’ont évacué», ajoute notre source. Sur cette question de conditions inhumaines de détention des harraga algériens dans les centres de rétention italiens, évoquée par un confrère, l’ambassadeur d’Italie à Alger, Giampaolo Cantini, s’est abstenu de s’étaler lors de sa récente visite, en marge des Journées italiennes de Annaba. Il s’est contenté de mettre en avant la sensible baisse du flux migratoire algérien à destination de son pays : seulement 219 clandestins nationaux enregistrés à fin septembre 2010 contre 1599 en 2008 et 408 en 2009.
Naima Benouaret