Demandeurs d’asile (.gouv)?
Circulaire cachée, circulaire abrogée !
Publié le mercredi 2 mars 2011
Dans un arrêt du 23 février 2011, le Conseil d’Etat rappelle que pour être applicables, toutes les circulaires doivent être publiées sur le site circulaires.gouv. Une décision de justice à laquelle le Premier ministre a immédiatement réagi en adressant à ses ministres une circulaire… sur les circulaires !
Bonne nouvelle ! Le Conseil d’Etat vient de rendre son jugement sur l’affaire n°334022. Dit comme cela, le caractère heureux de cette actualité n’est pas évident. Pourtant, c’est une décision qui fait le bonheur d’abord de Brice Hortefeux. L’ancien ministre de l’Immigration a gagné dans le contentieux qui l’opposait aux associations d’aide aux demandeurs d’asile (Cimade, Fnars, Gisti). Le Conseil d’Etat a rejeté la requête des associations qui demandaient l’annulation pour excès de pouvoir de trois paragraphes de sa circulaire du 24 juillet 2008 sur les centres d’accueil pour demandeurs d’asile (Cada). Bonne nouvelle ensuite pour les associations. Car si le Conseil d’Etat a refusé d’annuler les trois paragraphes de cette circulaire, c’est pour une raison très simple : la circulaire était… déjà abrogée ! Les sages de la rue Cambon ne pouvaient donc pas annuler des dispositions qui n’étaient déjà plus en vigueur.
Bonne nouvelle toujours pour les lecteurs attentifs du Journal officiel. Ceux-là se demandaient pourquoi le décret du 8 décembre 2008 relatif aux conditions de publication des instructions et circulaires était appliqué de manière diverse par les départements ministériels. L’article 1er de ce décret, signé par François Fillon et pris en application de l’article 37 de la Constitution, prévoit en effet que toutes les circulaires et instructions adressées par les ministres aux services et établissements de l’Etat sont tenues à la disposition du public sur un site internet, circulaires.gouv. Ce même article précise qu’une “circulaire ou une instruction qui ne figure pas sur le site mentionné au précédent alinéa n’est pas applicable. Les services ne peuvent en aucun cas s’en prévaloir à l’égard des administrés”. La formulation est limpide. Pourtant, et en dépit de la reconnaissance en 2002 de la transparence administrative comme liberté publique fondamentale, chacun pouvait constater ces dernières années une publication assez aléatoire des circulaires sur ledit site.
Or, dans l’arrêt du 23 février 2011, le Conseil d’Etat est on ne peut plus clair. Toutes les circulaires et instructions signées à partir du 1er mai 2009 doivent être disponibles en ligne. Quant aux circulaires signées avant le 1er mai 2009, elles devaient être en ligne à cette date du 1er mai 2009 sous peine d’abrogation. La circulaire de Brice Hortefeux n’était pas en ligne le 1er mai 2009, elle a donc été automatiquement abrogée. Le fait que le ministère l’ait mise en ligne par la suite n’entraîne pas sa résurrection. Et la requête des associations tombe d’elle-même, sans même qu’elles aient eu besoin de faire valoir cet argument (moyen d’ordre public : le texte était inexistant juridiquement).
Les ministres doivent signer moins souvent
Suite à cette décision du juge administratif suprême, le Premier ministre a adressé le 25 février à l’ensemble des ministres et préfets une circulaire… sur les circulaires. François Fillon demande que soit “mieux maîtrisé le volume et l’origine de ces instructions”, afin de distinguer les textes fixant des “priorités politiques et définissant des objectifs stratégiques”, des textes plus techniques.
Le Premier ministre demande donc aux ministres de ne signer désormais personnellement que “les circulaires, d’un nombre et d’une fréquence nécessairement limités, qui comportent l’exposé d’une politique, la définition d’orientations pour l’application des lois et des décrets ou la détermination des règles essentielles de fonctionnement d’un service public”. Ces textes, signés par le ministre, s’appelleront désormais “instructions du gouvernement”. Les autres circulaires “pourront être” signées par les hauts fonctionnaires (secrétaires généraux des ministères ou les directeurs d’administration centrale). Bref, il faut distinguer les textes “adressés par les ministres” – qui sont soumis à l’obligation de publication sur le site circulaires.gouv, et les textes “adressés par les ministères”, qui, eux, ne sont pas soumis à l’obligation de publication.
Bonne nouvelle enfin pour les agents des préfectures et des directions départementales interministérielles : François Fillon demande aux ministères de ne pas “exposer les services déconcentrés à un flot de circulaires, émanant de multiples signataires et diffusées de manière indifférenciées”.*
Hélène Lemesle
Références : Décret n° 2008-1281 du 8 décembre 2008 relatif aux conditions de publication des instructions et circulaires ; Conseil d’Etat, arrêt n°334022 du 23 février 2011 ; Premier ministre, Circulaire du 25 février 2011 relative aux circulaires adressées aux services déconcentrés .
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