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lu dans les DNA édition Colmar

10 000 selon les organisateurs

Mobiliser plusieurs milliers de militants, ce n’est pas une sinécure. Depuis hier matin, plus d’une centaine de bénévoles issus du réseau « Sortir du nucléaire » s’activent aux préparatifs. Derrière eux, un coordinateur qui s’investit depuis quatre mois, Jocelyn Peyret, qui n’en est pas à sa première manif en tant qu’organisateur.

Au « Natala », à l’extrémité de la rue de la Semm, plusieurs chapiteaux et structures de spectacle sont déjà en place. Le nécessaire à barbecue est posé dans un coin. Un accordéon sommeille sur une chaise. Une vingtaine de bénévoles déplient tables et bancs lorsqu’ils ne font pas la navette avec du matériel entre le Natala, qui accueillera l’espace animation à partir de ce soir, et la zone de camping, aménagée pour environ 800 personnes sur un terrain privé situé rue de la Birg, à Horbourg-Wihr.
Derrière tout ce monde, Jocelyn Peyret campe le chef d’orchestre. Salarié du réseau « Sortir du nucléaire » en charge de l’événementiel, il planche depuis quatre mois sur l’organisation du rassemblement et l’accueil des militants venus des quatre coins de l’Hexagone, d’Allemagne et de Suisse, qui pourraient être au nombre de 8 à 10 000 au minimum, selon lui. « J’avais travaillé sur la manifestation antinucléaire de Cherbourg, il y a trois ans, avec 30 000 manifestants. A Rennes en 2007, également, avec 40 000 militants. Nous serons moins nombreux à Colmar, d’après les estimations fournies par les associations membres du réseau, mais nous ignorons combien d’Allemands viendront et si les locaux se mobiliseront. »

« Il n’y a jamais eu d’antécédents violents »

« Habitué » des rendez-vous antinucléaires nationaux, Jocelyn Peyret estime toutefois disproportionnés les mesures prises par les autorités à Colmar ainsi qu’un climat d’appréhension qui se fait jour ça et là. « On n’est pas dans le même contexte que l’Otan. Il n’y a pas de cible à Colmar, c’est d’ailleurs bien pour cela que l’on n’a pas organisé cette manifestation à Fessenheim. De plus, il n’y a jamais eu d’antécédents violents dans les manifestations antinucléaires. Au contraire, je pense que ce rendez-vous représente une opportunité économique pour Colmar, pour ses hôtels et ses restaurants. »
Le gros des troupes franchira les portes de la ville demain matin pour se disperser à l’issue de la manifestation. En soirée, seul un millier de militants devrait poursuivre les festivités dans l’enceinte du Natala, dont la jauge est de toute façon limitée. D’autres partiront en fin de soirée. Le dernier carré, peut-être 500 personnes, participera aux animations prévues dimanche après une nuit en terre horbourgeoise avant de plier bagage, lorsque les barrières seront levées.

JF-O

Édition du Sam 3 oct. 2009


Colmar
Le rassemblement antinucléaire / Vu du côté des autorités

Le principe de précaution appliqué aux manifestations

Les autorités assurent vouloir faire cohabiter au mieux le rassemblement européen antinucléaire qui se tient cet après-midi place de la Gare à Colmar et la vie quotidienne des habitants et des touristes.

Entre un principe de précaution inscrit dans la Constitution, la nécessaire sécurité des biens et des personnes et l’attention pressante de l’Élysée, le métier de préfet relève parfois de l’équilibrisme. Surtout lorsque le représentant de l’État se retrouve confronté à une manifestation dont il ne maîtrise pas tous les paramètres.
Comment se montrer prêt à affronter l’imprévisible sans attiser la tension en donnant l’impression d’en faire trop ? C’est cet exercice difficile auquel s’est prêté hier le préfet du Haut-Rhin au sujet du rassemblement européen antinucléaire prévu cet après-midi place de la Gare à Colmar. Exercice d’autant plus délicat qu’il estime avoir affaire avec « des organisateurs peu fiables ».

« L’accès à la place Rapp sera interdit aux manifestants »

« Colmar ne sera pas une ville close. L’accès au centre-ville sera libre », tient à préciser Pierre-André Peyvel en répétant que son objectif est que « la manifestation et la vie quotidienne puissent suivre leur cours en même temps, sans difficulté ».
« Pour faire cohabiter un bon déroulement de la manifestation avec la vie sociale, le dispositif de circulation et de sécurité ne sera pas figé mais évolutif », complète Jean-Christophe Bertrand, le directeur départemental de la sécurité publique du Haut-Rhin. Et d’expliquer que les restrictions prévues au niveau de l’avenue d’Alsace ne devraient pas être mises en oeuvre immédiatement, le dispositif pouvant évoluer au cours de la journée en fonction de la forme que prendra le rassemblement de la place de la Gare. Seule certitude : « L’accès à la place Rapp sera interdit aux manifestants ».

« Il n’y a pas de syndrome Strasbourg »

Les bus transportant les manifestants seront pris en charge par des motards de la gendarmerie nationale dès leur arrivée aux portes de la ville puis escortés jusqu’à la route de Rouffach où ils seront parqués. Le parking de la gare routière près de la gare sera également neutralisé pour permettre aux autocars de se garer.
Le poste de commandement de la préfecture sera opérationnel dès 8 h ce matin et jusqu’à la fin de la manifestation. « Il n’y a pas de syndrome Strasbourg », redit le préfet Peyvel en indiquant que Colmar n’accueillait pas aujourd’hui des chefs d’État et que « les groupes de casseurs annoncés » n’étaient pas les mêmes que ceux qui avaient opéré lors du sommet de l’OTAN.
« Le principe de précaution est appliqué dans d’autres situations, il n’y a pas de raison qu’il ne le soit pas ici », conclut le commissaire Jean-Christophe Bertrand.

Franck Buchy

Un millier de policiers, combien de manifestants ?

Pour policiers, gendarmes, sapeurs-pompiers, magistrats, c’est l’heure de la mobilisation générale à Colmar. Mais combien seront les manifestants ?

Rien à voir évidemment avec le déploiement « antiOtan » de Strasbourg et ses 4 500 CRS. Même si le préfet refuse de communiquer sur les effectifs engagés, on sait que Colmar devrait accueillir ce week-end environ six compagnies républicaines de sécurité soit quelque 600 hommes.
Le dispositif a été calibré pour une manifestation de 20 à 30 000 personnes. Jean-Christophe Bertrand, le directeur départemental de la sécurité publique du Haut-Rhin, a confirmé pour sa part le renfort de brigades anti-criminalité (BAC) en indiquant toutefois qu’il n’y a « pas de forces spéciales en tant que tel » prévues dans le dispositif (DNA d’hier). Un millier de policiers devrait être sur le pont aujourd’hui.
Venus de tout le grand Est, ils sont logés pour certains dans les hôtels de l’agglomération et de Mulhouse pour d’autres dans leurs cantonnements habituels s’ils viennent par exemple de Strasbourg ou de Lorraine comme c’était le cas lors des manifestations strasbourgeoises.
Forte de 95 hommes, la compagnie se divise en quatre sections, chacune commandée par un major. Une CRS se veut autonome, équipée notamment d’un camion-cuisine. Elle ne se déplace plus avec ses longs cars mais avec des véhicules plus légers, gage d’une plus grande mobilité. Les CRS se sont déployés hier dans l’agglomération, se postant notamment devant la préfecture, le conseil général ou le tribunal de grande instance. Au-dessus d’eux, l’hélicoptère de la gendarmerie tournoyait pour tester sa caméra.
En mission « hors résidence », un policier de CRS reçoit une indemnité journalière de 30 euros, à l’instar des gendarmes, à condition que le déplacement concerne un minimum de 12 fonctionnaires.

Le 15/2 en appui

Le préfet Pierre-André Peyvel a annoncé qu’il ferait chiffrer le coût pour l’État de cette opération de maintien de l’ordre. « C’est une affaire démocratique », dit-il. Le seul hébergement et la restauration des policiers de la sécurité publique hors CRS devrait coûter plus de 30 000 euros. Le 152e régiment d’infanterie de Colmar met ses installations à disposition, son restaurant pouvant accueillir les policiers mobilisés. C’est également dans l’enceinte militaire que seront stationnés les véhicules antiémeutes.
Compte tenu des difficultés à circuler entre le Nord et le Sud de la ville, les sapeurs-pompiers se prépositionneront de part et d’autre de l’axe Gare-Clemenceau-Poincaré-Fribourg pour pouvoir intervenir en moins de trois minutes sur des incendies ou des secours à personne. Chaque pompier mobilisé pour le rassemblement devrait recevoir une vacation de 200 euros.
Le parquet de Colmar a également prévu un dispositif particulier, ajoutant un magistrat à la permanence du week-end.

Ph.M. et F.B.

Édition du Sam 3 oct. 2009

Édition du Sam 3 oct. 2009

La place de la gare se prépare

A la veille de la manifestation, les commerçants de la place de la gare à Colmar ne cachent pas leurs appréhensions. La majorité d’entre eux ferme, les autres restent ouverts, par nécessité.

Le Bristol est aux premières loges : les 95 mètres de vitrines en façade du grand hôtel, complet ce week-end, et de ses restaurants bordent la place de la gare.

« On fait confiance aux forces de l’ordre »

« On ne peut pas fermer, c’est le plus gros week-end de l’année, le plus important, en raison notamment du jour férié en Allemagne, explique Richard Riehm, le patron. On a des appréhensions mais on ne va pas dramatiser, c’est une manifestation pacifiste. On aura un service d’ordre interne et pour le reste, on fait confiance aux forces de l’ordre. »
Si le Relais de Chasse va fonctionner, la terrasse en revanche ne sera pas sortie. Leur vitrier se tient quant à lui prêt à intervenir, en cas de problèmes.
Les tatoueurs-perceurs de Moko ‘ Co ont eux décidé de protéger d’emblée leur vitrine par des panneaux de bois occultants : « La mairie a fini par nous dire qu’il était préférable de prévoir le scénario catastrophe. Même si on est bien assuré, on n’a pas envie de perdre notre outil de travail », justifie Philippe Roth.
Avec Pascal Ridart, le gérant, ils ont finalement décidé jeudi soir de protéger la devanture. Philippe Roth, militant pour l’environnement dans sa jeunesse, aujourd’hui président de l’antenne locale d’Alter Ego, pour l’égalité des droits, encourage néanmoins la tenue de la manifestation : « Les écolos ne me font pas peur, mais on craint les extrêmes, ceux qui viennent pour casser comme on a déjà pu le voir ailleurs. » Il invite les militants à investir cet espace d’expression libre constitué par les panneaux, sur le thème du nucléaire.
Sébastien Berschy, au Grillon, préfère « perdre une matinée, on ne sait jamais. » Ses habitués viennent pour la plupart en voiture, ils ne pourraient de toute façon pas stationner. Même son de cloche chez Tuncay Gurburg, patron du döner de la place : « Même moi je ne pourrais pas garer ma voiture. Et puis on ne sait pas à quoi s’attendre. »
Le buffet de la gare ferme aussi, de façon préventive, indique son responsable d’exploitation Denis Zeigin : « C’est plus sage. » Et tant pis pour le potentiel client : si jamais il y a débordement, on ne pourra pas suivre, ajoute-t-il.

Tous espèrent qu’il n’y aura pas de violence

Le salon de coiffure Goudez, à l’angle de la rue Gambetta, sera lui ouvert, la pharmacie du début de l’avenue Raymond Poincaré aussi, le matin comme tous les samedis. Sa voisine de Magichien, Christelle Mathis, a elle vidé la boutique : « Je crains les débordements ce n’est pas la peine que j’ouvre, les clients ne pourront pas venir. »
Marie-Gaëlle Faoro, fleuriste de Mademoiselle Rose, ferme également : « Le quartier est bouclé, et s’il y a beaucoup de manifestants, ils ne tiendront pas place de la gare. » Qu’ils ouvrent ou qu’ils ferment les commerçants de la place de la gare partagent tous la même incertitude et espèrent qu’il n’y aura pas de violence.

Myriam Ait-Sidhoum

Édition du Sam 3 oct. 2009