Ce lundi matin, la Ville de Strasbourg, la mission Roms et la police municipale ont encore expulsé plusieurs familles de Roms-migrants dormant à même le sol sur le campement Petite Forêt; 48 h après l’hommage aux migrants noyés en Méditerranée, 24 h après les cérémonies officielles, au Struthof, d’hommage aux Roms victimes du nazisme.

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Jean-Claude Bournez (chef de la mission Roms), Marie-Dominique Dreyssé (adjointe aux Solidarités) et Pierrette Gunther-Saës (directrice du pôle sécurité-prévention) sur le campement Petite Forêt après l’expulsion des familles Roms.

 

Ce lundi matin, donc, comme presque chaque matin depuis plus d’une semaine, la Ville, la mission Roms et la police municipale ont expulsé des familles avec enfants, sans abri, qui n’ayant plus de baraques depuis l’incendie du 17 avril dernier, dorment dehors, à même le sol et par tous les temps sur le campement Petite Forêt.

Le scénario est le même chaque matin : un agent de la mission Roms arrive tôt le matin sur le campement, ordonne violemment aux familles de “dégager”, leur fait jeter à la benne leurs affaires de couchage, puis téléphone à la police pour qu’elle vienne procéder à l’expulsion des familles du campement qui errent ensuite -pieds nus pour certains- toute la journée dans la ville en attendant de revenir le soir tard dormir sur le seul lieu et avec les seules personnes qu’ils connaissent.

Parmi les expulseurs, ont été identifiés ceux-là même qui participent aux hommages aux migrants morts en mer et aux cérémonies au Roms victimes du nazisme, et qui partagent ensuite leur vive émotion sur les réseaux sociaux pour assurer la “vitrine”…

 

Un démantèlement qui ne dit pas son nom 

L’acharnement de la mission Roms de la Ville auprès des familles du campement Petite Forêt s’est accentué depuis qu’il a été décidé de sa fermeture prochaine (information non officialisée). Une première offensive avait eu lieu mi-mars, par l’expulsion d’une famille avec 6 enfants, la destruction de sa caravane suivie de la mise en clôture de près de 500 m2 de terrain à l’entrée du campement; première étape d’un démantèlement qui ne dit pas son nom.

Les événements se sont dramatiquement accélérés après un bien étrange incendie la semaine dernière, possiblement volontaire, selon les DNA, à la suite duquel, dès le lendemain, la Ville faisait poser une seconde clôture qui ampute le camp d’une petite centaine de m2 supplémentaires. C’est donc 50% de l’espace habité qui a été confisqué par la Ville en un mois.

Si l’origine du feu reste pour l’heure indéterminée, l’empressement avec lequel la Ville s’est dépêchée de profiter de la situation pour condamner le terrain laisse songeur…

 

Des témoins gênants

Si l’origine du feu reste pour l’heure indéterminée, les témoignages des Roms présents au moment où les flammes ravageaient plusieurs baraquements -témoignages audio et vidéo enregistrés par les autorités européennes concernées, 3 journalistes et des responsables associatifs-, sont, eux, connus et unanimes sur un point : un agent de la mission Roms aurait était présent sur place au moment où l’incendie s’est déclaré et aurait volontairement tardé à appeler les pompiers, répondant à l’alerte des habitants par un “je m’en fous”.

En plus du dépôt de plainte contre X pour incendie volontaire, les familles vivant sur le terrain seraient donc également en droit de déposer plainte pour mise en danger de la vie d’autrui et non assistance à personnes en danger !

Dans ces conditions, on comprend mieux l’acharnement avec lequel chaque matin depuis l’incendie, l’agent concerné harcèle, menace et fait expulser les familles du camp : ce ne sont pas seulement des familles migrantes qui sont évacuées mais des témoins gênants.

Tous les témoins ont raconté qu’ils avaient été menacés par cet agent, d’être “mis en prison” s’ils témoignaient et qu’ils étaient désormais en tête de sa liste des “sûrs d’être expulsés en Roumanie”, ce qui ajoute une plainte supplémentaire à charge de cet agent, de ceux qui l’accompagnent et qui procèdent de même : la subornation de témoins.

 

Des agents de la Ville incontrôlables qui agissent en toute impunité

Si les actions de certains agents de la Ville (mission Roms, sécurité…) à l’encontre des familles Roms sont connues depuis longtemps -et parfois de leur propre aveu devant témoins- comme relevant de missions hors cadre légal, ce démantèlement larvé et les dérapages qu’il entraîne depuis plusieurs semaines, sonnent comme une nouvelle offensive à l’encontre des familles et de leurs droits de citoyens européens.

Les agents ont certes carte blanche pour mener à bien les expulsions, toutefois, lorsqu’un dérapage est un peu trop visible, on assiste à un spectaculaire sauve-qui-peut face à la gravité de leur implication et responsabilité. Ainsi, les témoins des expulsions de ces derniers jours parlent d’un véritable “pétage de plombs” de l’agent principalement concerné, acculé face au nombre des témoins de ses actes abjects et à la somme des preuves qui s’accumulent contre lui. 

Alors qu’il est dit sur la sellette depuis plusieurs mois, sa hiérarchie continue cependant de le garder en place le plus longtemps possible. Il faut dire qu’il serait difficile à ce stade, d’imaginer pour la Ville recruter de nouveaux agents et les former à l’expulsion violente, à l’insulte, à la terreur et au maniement nocturne de la hache… Ceux qui sont en place sont tellement plus performants et si proches de la retraite, qu’il serait dommage de s’en priver…

 

Une hiérarchie et un pouvoir en plein naufrage

Comme nous l’écrivions dans un précédent article, “les fonctionnaires, aussi zélés et venimeux soient-ils ne sont pas, au final, plus détestables et démocratiquement déviants que ceux qui définissent leurs missions et leur laissent carte blanche pour l’accomplir coûte que coûte”.

La position de la Ville, “capitale des Droits de l’Homme”, n’est plus tenable; son soutien sans faille aux agents dont les méthodes sont aussi détestables dépasse l’entendement et n’a d’explication que la volonté ferme de répondre aux injonctions gouvernementales et d’utiliser pour ce faire, des agents déjà mouillés jusqu’à l’os, qu’il faut “sacrifier” et user jusqu’au bout.

Un bon nombre d’indices indique aussi que leur hiérarchie se désolidarisera d’eux en cas de pépin ou d’action juridique -voire les poussera à la faute- pour leur faire porter l’entière responsabilité de leurs actions, en particulier en ce qui concerne l’agent de la Mission Roms.

Le pouvoir local comme le national est totalement à la dérive, toutes les méthodes pour déshumaniser, exclure et expulser les plus miséreux sont utilisées, particulièrement les plus archaïques et humiliantes, celles-là même qu’on dit être “de triste mémoire”.

 

Une veille citoyenne en action

Face à l’inaction du Maire pour mettre un terme aux agissements de ses agents compromis, au silence complice des élus, colistiers et membres des partis auxquels appartiennent les “expulseurs”, à l’inaction volontaire des associations de défense des droits humains subordonnées par divers moyens (chantage aux subventions, copinage…) à la Ville (Il suffit aujourd’hui à un agent de la mission Rom ou un élu de se plaindre d’un adhérent au président d’une association pour que l’adhérent se fasse exclure ou l’employé renvoyer…), des individus ont constitué un Collectif de veille, véritable réseau de bienveillance et de solidarité avec les familles roms, fait de simples citoyens qui sont pour diverses raisons en contact et en amitié avec ces familles, et qui ont décidé de témoigner et d’enregistrer, sur le terrain, auprès d’elles, les preuves des agissements (insultes, pressions, menaces…) des agents de la Ville et de la Mission Roms.

Nous relayons ici leur appel à témoins pour les aider dans leurs actions à venir.

Vous pouvez envoyer vos témoignages à l’adresse suivante, nous transmettrons : F2C.media@gmail.com

Les témoignages recueillis sont partagés, dupliqués et envoyés aux autorités supranationales concernées ainsi qu’aux réseaux juridiques et médiatiques compétents.

La nature véritable de la Mission Roms est entièrement mise à nu, elle apparaît désormais pour ce qu’elle est : le degré zéro de l’insertion, la vitrine mensongère et coûteuse (1 million d’€/an) d’une machine à expulser ou d’un dispositif gestionnaire de stockage de miséreux en camps institutionnalisés.

Cette vitrine est en train d’exploser, les langues se délient, les témoignages affluent déjà : ils sont accablants. 

La Rédaction de la Feuille de chou

Cet article est également paru sur Mediapart.

Autres témoignages :

https://www.facebook.com/gabrielaM67/videos/761115774003218/?pnref=story

COMMUNIQUÉ DE L’ASSOCIATION LATCHO ROM: suite de l’affaire de l’incendie du 17 avril 2015 du site de la petite forêt.

Une rencontre était programmée le mardi 21 dans les bureaux de l’association avec les familles roms victimes de l’incendie.

Nous avons profité de ce moment pour offrir un café et des croissants à ces familles, ce moment de détente, de convivialité et de fraternité nous a permis de mieux comprendre ce qui s’est réellement passé sur le terrain. Les témoignages de ces familles ont permis de démontrer qu’elles subissaient des pressions, de la part de certains agents de la Ville de Strasbourg et vivent dans la peur constante.

Nous décidons d’aller sur le terrain et d’interpeller les institutions européennes pour organiser une visite le mercredi 22 Avril à 15h. Mr Ulrich Bunjes Représentant Spécial du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe pour les questions relatives aux Roms et Mme Aurora Ailincai Chef de projet ROMED/ROMACT du Conseil de l’Europe nous accompagnent.

Les familles Roms présentes sur le terrain ont pu, grâce à l’interprète de l’association, parler directement aux représentants du Conseil de l’Europe et leur faire part des difficultés qu’elles rencontrent.

Au bout d’un certain temps, un agent de la Ville de Strasbourg s’est présenté sur le site et s’est imposé dans la discussion. Il s’est interposé entre les familles roms et les représentants du Conseil de l’Europe et l’association, en remettant en cause leurs paroles.

Jeudi 23 Avril 2015 à 7h30, des familles Roms sont expulsées du terrain manu militari, en présence de la police et d’un agent de la Ville de Strasbourg. L’association est prévenue par les familles et décide d’aller sur le terrain.

Des femmes, des enfants, des hommes se retrouvent en errance totale dans un jardin public de Strasbourg sans rien, toutes leurs affaires sont jetées dans une benne.

L’association offre à boire et à manger à ces familles et est la seule présente à leurs cotés.

L’association en la personne de son Président décide d’interpeller le Maire de Strasbourg pour le prévenir de ces faits outrageants, ne respectant ni la DIGNITÉ des personnes, ni les DROITS DE L’HOMME, ni l’application de la circulaire de Jean-Marc Ayrault.

Un rendez-vous est programmé à la Mairie ce jour à 17h.
A ce jour, aucun relogement n’a été proposé à ces personnes.

Dominique Steinberger, Président